Retour en Grèce : transversale Crétoise et Péloponnèse (31)
Du 1er au 21 Février 2020
La Crête d’Est en Ouest
La tête et le cœur encore remplis de notre passage en Turquie, nous embarquons en direction de la Crète !
Nous posons de nouveau le pied sur le sol Grec au matin du premier jour du mois de février. Nous ne sommes pas encore à destination car ce n’est pas en Crète que nous débarquons mais sur l’île de Rhodos d’où nous reprendrons un bateau quelques heures plus tard … à 2 heures du matin ! Ce qui nous laisse la journée et la soirée pour découvrir quelques pépites de ce lieu.
L’étonnante surprise du jour est que Ego, le jeune grec qui nous a gentiment hébergé dans son hôtel en Turquie la veille, habite aussi Rhodos et prend exactement le même bateau que nous pour rejoindre sa famille sur l’île. Il nous propose donc de nous accueillir de nouveau mais dans la maison de sa mère cette fois-ci. Nous passons un petit temps chez elle, nous échangeons un peu laborieusement avec l’aide de nos quelques mots de grec et de ses quelques mots d’anglais et acceptons la douche et le repas qui nous sont proposés. Puis nous partons pour vadrouiller dans les ruelles de Rhodos et tenter de se frayer un chemin dans les sinueux tunnels souterrains de ses remparts. Le dédale est impressionnant et on a pas de mal à croire que le promeneur un peu trop curieux d’aujourd’hui puisse encore assez facilement s’y égarer !
Ce court passage à Rhodos nous fait du bien et nous récupérons nos affaires et notre vélo laissés chez Ego pour nous installer dans un coin et attendre le bateau de 2 heures du matin qui nous amènera en Crète. Les quelques heures de sommeil sont un peu rudes et agitées par le passage de quelques chats (on n’était pas loin d’un super spot de croquettes) et par un groupe de jeunes grecs venus terminer les dernières bières de la soirée juste au dessus de notre petit coin. Mais peu de temps après nous finissons par embarquer sur le ferry et dormons la seconde partie de notre nuit.
Nous débarquons en Crète, au port de Sitia, après une traversée sur une Méditerranée en mouvement. Profond balancement qui ne m’a pas vraiment bercée contrairement à Corentin dont les organes semblaient fort bien s’en accommoder …
Les premiers coups de pédale nous ouvrent les horizons des paysages de cette grande île grecque, la plus proche du continent africain puisque les côtes de l’Egypte et de la Lybie se trouvent à moins de 400 km en regardant vers le sud. La distance parcourue ce premier jour sera inversement proportionnelle à la fatigue que nous traînons, nous prenons un peu de hauteur depuis la ville portuaire de Sitia et serpentons à travers des champs d’oliviers jusqu’à trouver un toit de cabanon tout plat et tout prêt à accueillir notre tente. L’endroit est calme et la vue très belle, le repos est bien mérité !
Dans les jours qui suivent, nous arpentons l’île d’est en ouest en restant tout d’abord sur la côte sud, beaucoup moins touristique qu’au nord de l’île. Les paysages sont marquants par leur diversité. Entourée de mer mais aussi traversée en son centre par des reliefs qui peuvent aller assez haut (2456 m d’altitude), cette topographie donne à l’île de grands contrastes. Cela joue beaucoup aussi sur les activités humaines qui ont pu s’y développer : nous croisons par exemple des surfaces impressionnantes de serres et de parcelles agricoles au pied des montagnes tant que la pente et l’altitude le permettent, des serres maraîchères sont construites pour produire concombres, salades, haricots, blettes, tomates etc… Il y a aussi beaucoup de bananeraies sous serre ou en plein champ pour produire la petite et fameuse banane de Crète. C’est l’un des rares endroits d’Europe ou l’on peut manger de la banane locale alors on en profite !
Dernières lueurs du soir autour de 17h en hiver Les vendeurs de semences sélectionnées et de produits pesticides sont nombreux dans cette zone agricole. On en trouve même dans des tout petits villages ou des hameaux. Les serres maraîchères La mer en mouvement
Dès que l’on monte un peu en altitude et que le relief se fait plus ressentir, les activités humaines s’adaptent. Les parcelles de maraîchage et les serres laissent petit à petit place à des prairies. Sur les pentes abruptes, les habitations se raréfient, les paysages deviennent plus minéraux et les activités humaines se cantonnent à l’élevage de petits ruminants.
Au quatrième jour de vélo en Crête, nous quittons un temps la côte sud et la Méditerranée mouvementée pour nous enfoncer dans les terres et les montagnes. La route serpente en de longs virages et le paysage est à couper le souffle. Le temps est pluvieux et la température flirte avec les températures hivernales du sud le la France, c’est peu engageant pour bivouaquer mais nous ne pouvons pas passer le col ce soir-là et finissons par trouver un petit creux dans le relief pour installer notre tente. La nuit est venteuse et froide et une troupe de brebis et chèvres nous réserve un accueil empreint de curiosité en guise de bonjour au petit matin.
Le campement est vite plié car pour éviter de prendre froid, nous sommes pressés de nous remettre à pédaler. Nous continuons l’ascension de la montagne avec quelques rayons de soleil qui viennent agréablement nous encourager.
Une grande descente nous attend après le passage du col. A perte de vue, les parcelles d’oliviers sont la seule culture composant le patchwork des champs.
Nous jouons à cache cache avec les averses ce jour là et décidons de dormir en dur la nuit suivante car je traîne une mauvaise bronchite depuis quelques jours et je suis à bout de force.
Heureusement, la météo devient un plus clémente et les températures un peu plus élevées le jour suivant. Nous circulons toujours vers l’ouest et rattrapons la mer de Libye sur la côte sud de l’île au niveau de la jolie ville d’Agia Galini.
Nous profitons d’être dans le coin pour faire un détour par les gorges de la rivière Megalopotamos : à son embouchure poussent des palmiers endémiques de l’île et cela nous transporte dans un décor complètement différent en moins de quelques minutes. C’est un endroit très fréquenté par les touristes en Crète mais, à l’exception de 3 oies féroces, nous y sommes seuls en cette période.
Gorges de Megalopotamos L’embouchure et la forêt de palmiers Sur la plage de Preveli juste au niveau de l’embouchure de la rivière
Cette fois nous quittons la côte sud de la Crête pour traverser l’île jusqu’à la côte nord. A Vamos nous attendent Lola et Nikos, des amis de Sotiris, notre hôte grec des montagnes rencontré précédemment.
Ils nous accueillent chaleureusement dans l’un de leurs gîtes. Nikos est le président d’une association visant à organiser et promouvoir l’agrotourisme en Grèce. Un mode de tourisme qui a le vent en poupe et qui permet aussi aux fermes accueillant des touristes de trouver des réseaux de vente pour leurs produits.
La pédalade continue encore pour deux jours sur le sol Crétois et après une nuit au milieu des agrumes et une autre près du port de Kissamos, nous embarquons dans un ferry qui nous ramène dans la partie sud de la Grèce continentale : le Péloponnèse.
La petite farce météorologique que l’on garde en mémoire de cette traversée de la Crête est que, quelle que soit la direction que l’on a pu prendre, le vent s’est toujours arrangé pour souffler dans notre nez et particulièrement fort en plus !
Rencontres éclectiques en Péloponnèse
Nous posons le pied à Gythio, petite ville du sud du Péloponnèse sous une météo fraîche mais sous un beau soleil qui nous fait un bien fou. Avec la traversée en bateau, la journée est déjà bien avancée et nous quittons la ville pour nous élever sur ces hauteurs à la recherche d’un coin où dormir. Un fois n’est pas coutume, c’est un champ d’oliviers qui nous ouvre les bras sur un point haut duquel on peut savourer un délicieux coucher de soleil. La parcelle est bien enherbée et il y a plein de plantes que nous assaisonnons au menu du soir.
Nous avons rendez-vous dans deux jours chez un couple qui vit dans un petit village perdu au coeur des montagnes du Péloponnèse. Mais avant cela, il nous reste quelques kilomètres à faire et surtout un col à franchir. Nous pédalons donc en gardant les yeux grands ouverts et en faisant pas mal d’arrêts pour cueillir des agrumes qui se perdent sur les arbres tellement ils sont abondants dans la région. Nous faisons des provisions car nous savons qu’en montant en altitude, les orangers et citronniers disparaîtrons petit à petit du paysage. La route qui nous mène au col nous fait passer tout d’abord par les gorges où les pentes sont si abruptes que nous ne pourrons pas trouver de quoi planter la tente. Nous décidons donc d’établir le campement en amont quitte à avoir un peu plus de montée le lendemain. Et c’est là qu’en contrebas de la route se présente le spot idéal. Il s’agit d’une petite chapelle discrète et cachée qui offre même un appentis ou s’abriter en cas de pluie, un robinet et une dalle bien plate pour poser la tente. On adopte bien vite ce chez nous d’un soir et on savoure ce temps de repos.
Le lendemain matin, c’est parti pour une belle session de montée ! La route des gorges est superbe et le soleil sort le bout de son nez pour nous réchauffer. Les voitures sur cette petite route de montagne sont plus que rares car un communiqué indique depuis quelques temps que la route est trop dangereuse du fait d’éboulements qui auraient eu lieu au dernier épisode pluvieux. Hormis, quelques rochers et pierres sur la route, nous ne remarquons rien d’anormal mais beaucoup d’habitants de la montagne préfèrent emprunter un autre itinéraire.
Nous arrivons au col alors qu’une petite bruine s’est mise à tomber et nous sommes heureux de trouver, par le plus grand des hasards, une TAVERNE ouverte juste au sommet ! Deux hommes sont présents dans l’endroit et, alors que la pluie s’est intensifiée au dehors, nous restons plusieurs heures collés au feu de cheminée mais personne d’autre ne vient frapper à la porte. On se demande comment le tavernier fait pour vivre de son activité mais en même temps on se réjouit que des lieux comme ça puissent encore être ouverts dans des zones de montagnes si peu densément peuplées.
Après avoir bien bien usé la dalle devant la cheminée de la taverne, nous reprenons la route qui va maintenant descendre jusqu’au village de Alagonia ou Mélanie et Evan nous attendent.
Mélanie est Gréco-Américaine et Alagonia est le village de la famille de son père. Elle y passait ses étés et a décidé un jour de revenir y vivre en cultivant un jardin et en essayant de produire un maximum par elle-même. Evan lui est Irlandais et voyageait en vélo lorsqu’il a atterri à Alagonia pour filer des coups de main à des gens du village. La probabilité de rencontrer quelqu’un de moins de 40 ans dans ce village était quasiment nulle mais finalement, le projet de vie à Alagonia est devenu pour ces deux là un projet commun et les habitants du village sont heureux de voir des personnes plus jeunes venir habiter l’endroit et donner des coups de mains pour les nombreuses tâches qu’ils ne sont plus en mesure de réaliser. Nous nous sommes si bien entendus avec Mélanie et Evan que notre passage d’une soirée s’est prolongé sur 4 jours. Nous avons pu apprendre avec eux beaucoup de techniques de conservation d’aliments, de transfo, nous avons pu les aider à entretenir des champs d’oliviers et à en broyer les branches et nous avons été invités à manger chez une des grands-mères du village qui était un vrai chapitre d’histoire locale à elle toute seule. Pouvoir être témoin qu’il suffit simplement de quelques personnes motivées pour commencer à redonner un nouveau souffle à un village qui s’éteint petit à petit est inspirant. Nous reprenons la route regonflés à bloc par ces rencontres et souhaitons de tout cœur suivre la suite de leurs aventures.
Entre Kalamata et Patras, nous traversons de vastes zones de productions maraîchères intensives. Les champs de fraisiers se succèdent à perte de vue tantôt sous des serres tantôt sur des bâches de plastique noir pour pouvoir étaler la saison de ramassage le plus longtemps possible. Les sols sont riches à l’origine et la terre se prête bien au maraîchage mais avec de telles pratiques agricoles, l’érosion creuse ses sillons boueux et les sols s’épuisent malgré les perfusions aux engrais chimiques censées compenser l’épuisement en nutriments. En bordure de certaines parcelles, des sortes d’abris de fortune faits de matériaux récupérés abritent les travailleurs émigrés qui sont ici exploités pour pouvoir fournir à bas prix et presque toute l’année des fraises aux consommateurs. La grande majorité d’entre eux viennent du Bangladesh et du Pakistan.
Petite pensée pour les manuels d’histoire : c’était censé être quand l’abolition de l’esclavage déjà ?
Pour plus d’infos sur l’exploitation des travailleurs immigrés dans les champs de fraisiers en Grèce et notamment sur une affaire qui a fait scandale en 2013, voir les deux liens ci-dessous :
https://www.liberation.fr/planete/2013/04/28/les-fraises-sanglantes-du-peloponnese_899688
Nous continuons notre route et nous rendons compte que l’idée même de manger une fraise ne nous a pas effleuré. Hors saison et hors sol, elles doivent avoir un très mauvais goût de bêtise humaine.
Le 20 février, nous arrivons dans la ville de Patras qui se situe sur la côte ouest du Péloponnèse. Nous passerons notre dernière nuit en Grèce chez Kostas, un ami de Sotiris qui est brasseur artisanal ! Il s’est lancé dans l’aventure de la brasserie quelques années auparavant avec son frère qui gère plutôt le côté commercial. Ce genre de projet est encore très marginal en Grèce car le pouvoir d’achat depuis le début de la crise économique n’est toujours pas très élevé. Mais les grecs savent tout de même apprécier les bons produits et la bière artisanale de Kostas fait tout doucement son chemin. Après la visite de la brasserie et la dégustation de bières, nous passons une très agréable soirée chez lui avec sa compagne, Kassiopi et leur petit Jason. Nous aurions finalement bien prolongé notre séjour chez eux mais le billet de bateau est réservé pour le lendemain ou nous quittons la Grèce pour rejoindre les Pouilles dans le sud de l’Italie.
On quitte Patras
By Auré.