Pédalage hivernal au nord de la Grèce (28)
Du 29 Novembre au 8 Décembre 2019.
Nous quittons Demati, mais pas encore Sotiris, Mathilda et Cassandre, les deux wwoofeuses françaises. Nous les retrouvons après une demi-journée de vélo dans la ville de Metsovo. C’est LA ville touristique du secteur et on y trouve du monde autant en été pour ses montagnes verdoyantes qu’en hiver pour sa station de ski. En attendant nos compères, nous sympathisons avec deux jeunes grecs montagnards qui s’apprêtent à aller bivouaquer plus loin en montagne. Nous passons une soirée bien animée dans un bar… puis nous prenons le vélo pour rejoindre l’université où Sotiris a étudié. Nous terminons la soirée au petit matin dans la cuisine commune des étudiants du master d’aménagement rural avec des étudiants de la promotion actuelle mais aussi des profs ! Avec guitares, bouzouki et clarinette nous sommes emportés dans des musiques traditionnelles grecques aux paroles qu’ils semblent tous connaitre par cœur !
On se réveille toujours à l’université, la tête un peu dans le pâté… et dehors il pleut des cordes. Après les au-revoirs, dur dur de se lancer dans le froid, le vent et la pluie, surtout que nous avons un col à 1700m d’altitude à passer ! Nous attendons une accalmie qui ne vient pas et quittons finalement Metsovo sous la pluie, il est déjà 11h. Heureusement, dans la montée la pluie s’arrête, mais le brouillard nous entoure bientôt et le vent nous bouscule. Nous passons devant une station de ski qui prépare la saison et arrivons sur une ancienne route nationale qui n’est plus entretenue depuis que l’autoroute passe sous la montagne. Nous sommes dans le brouillard, la route est un peu effondrée par endroits, pas de voiture sur 30km, l’ambiance fait fin du monde…
Nous arrivons enfin au col, à 1700m d’altitude, une sorte de grésil nous fouette mais au loin dans la vallée, on peut voir que le soleil brille. Par contre, il y a un effet de couloir et le vent nous bouscule très fort sur le côté… je rattrape le coup et reste concentré, prêt à poser le pied à terre… c’est la première fois que le vent nous met presque à terre ! Cent mètres plus loin, le vent est moins fort, on se laisse enfin glisser dans une méga descente et en quelques kilomètres le thermomètre reprend 10°C.
Nous visons d’arriver ce soir proche de Meteora pour voir le soleil s’y lever le lendemain matin. Nous apercevons au loin ces gros dômes de grès, mais le soleil arrive déjà sur l’horizon. Au crépuscule nous ne sommes pas si loin d’un lieu de bivouac conseillé par un des grec rencontré la veille au soir. Nous puisons dans l’énergie qu’il nous reste pour une dernière belle montée de nuit, à la lueur de la lune.
Le vent souffle toujours et glace l’air, nous mettons un peu de temps à trouver un endroit plat où poser nos tapis de sol et finissons par dormir dans un petit renfoncement des rochers, juste sous un point de vue un peu touristique.
Les météores sont de majestueuses formations géologiques faites de pitons rocheux en grès aux formes arrondies sculptées par des millions d’années d’érosion. Entre les années 1000 et 1500, des monastères ont été construits en haut des pitons et c’est depuis un haut-lieu de la spiritualité chrétienne orthodoxe (majoritaire en Grèce). Il y a eu jusqu’à 24 monastères et aujourd’hui il en reste 6 dans ce site maintenant classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est aussi un site très très touristique, même en ce début du mois de décembre !
Aux premières lueurs, une poignée de lève-tôt sont déjà là pour profiter de la vue, puis pendant notre petit déjeuner ce sont les bus qui se mettent à défiler. Nous quittons notre atypique lieu de bivouac, passons visiter un des petits monastères perchés et reprenons le vélo direction Thessalonique ! Nous y avons rendez-vous dans 4 jours avec des amis.
Nous arrivons vite dans la ville de Trikala. En ce dimanche ensoleillé nous trouvons les rues du centre-ville avec bar et tavernes bondées de familles et groupes d’amis qui profitent du week-end. Au début nous pensons qu’il y a un évènement particulier, mais non, discuter autour d’un tsipouro ou un bon repas est l’un des sports favoris ici.
C’est l’hiver, le soir tombe vite et nous profitons des heures de jour pour pédaler, il fait froid et un petit feu nous réchauffe au bivouac. Le matin, nous partons avant de manger par des chemins de traverse pour éviter l’autoroute. Après une heure de vélo glaçante où pédaler ne suffit pas à nous réchauffer, nous faisons une pause dans la taverne d’un petit village. La télé y fait office de discussion entre la dizaine d’hommes installés non loin du poêle à bois. On prends un café “hellenico” et on mange un peu de notre muesli du matin. Une poignée de paires d’yeux nous dévisage et une seconde observe notre vélo garé dehors et sur lequel la toile de la tente est étendue pour sècher. Au final, la seule personne qui parle un peu anglais et avec qui nous avons échangé quelques mots nous paye le café, puis le boulanger ambulant que l’on nous a indiqué nous offre la miche de pain ! Aviez-vous déjà entendu parler de la générosité grecque !?
Nous repartons réchauffés et continuons dans une grande plaine agricole : coton, arboriculture, légumes, vigne ou céréales, depuis hier nous retrouvons ces champs et agriculteurs à qui l’industrialisation a volé les valeurs paysannes. Et comme fourmi ouvrière de ce système, des travailleurs étrangers fournissant de la main-d’œuvre pas cher sont sur place, dans l’espoir de gagner un peu plus que chez eux.
Le lendemain après s’être à nouveau fait offrir le café dans la taverne du matin, nous retrouvons la mer que nous avions quitté au nord de l’Albanie ! Nous traversons des vergers de kiwis et nous nous joignons à la pause repas de Mathieu, un cyclo-voyageur en vélo qui arrive… de France !
L’après-midi, nous pédalons avec le vent dans le nez, avec à droite la mer et à gauche le mont Olympe enneigé, qui est aussi le point culminant de la Grèce.
Le soir le vent a encore forci et la météo prévue pour la nuit puis le lendemain se résume en 3 mots : pluie, froid et vent. Nous nous arrêtons avant la nuit dans un village et cherchons un endroit où mettre notre tente à l’abri. Nous finissons par demander conseil dans la station-service où le pompiste est un jeune grec qui parle anglais !
Il s’appelle Nikos, est très sympa et n’a pas trop de solution pour nous hormis… nous laisser mettre la tente sous le auvent de la boutique. Il s’arrange rapidement pour que sa tante qui tient la taverne d’à côté nous amène un bon repas !
On lui tient compagnie jusqu’à la fermeture, il nous raconte qu’il se relaie avec sa mère pour tenir la caisse de cette petite station-service : elle le matin et lui jusqu’au soir. Il a aussi fait quelques saisons de barman dans des îles touristiques des Cyclades, mais pour l’instant il se résout à habiter encore avec ses parents pour des questions financières. En tout cas on passe un chouette moment avec lui sous l’œil des quelques clients amusés et… la caméra de surveillance auquel a accès le patron. Nous sommes quand même contents lorsque l’heure de la fermeture arrive pour pouvoir monter la tente devant la porte et aller dormir.
A 7h le lendemain matin, il nous faut plier la tente pour l’ouverture. La maman de Nikos nous a même amené de quoi petit déjeuner et comme les clients ne se précipitent pas et qu’il pleut des trombes d’eau, nous passons un bon moment ensemble à échanger avec nos quelques mots de grec et beaucoup de mimes.
A 9h, le thermomètre a encore chuté et c’est de la neige qui tombe. Nous ne sommes qu’à 70 km de la ville de Thessalonique, on s’habille, on se motive et c’est parti !
5 heures de pédales et une taverne plus tard, nous sommes à destination et retrouvons nos ex-collègues wwoofeuses dans une auberge de jeunesse. Pour une fois nous dormons au chaud et on apprécie bien le confort d’une douche chaude et d’un lit douillet.
Nous repartons le lendemain après manger et peinons à sortir de la ville, entre rocade et zone industrielle. Le soir la recherche d’un lieu de bivouac est difficile. Il faut nous éloigner d’une grosse route nationale et rester à plus de 300m de distance des meutes de chiens qui protègent chaque habitation… nous finissons dans une maison isolée en construction et probablement abandonnée depuis la crise !
C’est une journée sportive avec plus de 100km parcourus malgré la brièveté du jour et le soleil revient l’après-midi pour nous réchauffer enfin !
Nous arrivons le lendemain à Kavala et embarquons le soir pour une nuit de bateau jusqu’à Lesbos. Ces 8 jours de vélo auront été assez éprouvants avec une météo hivernale, des journée courtes et 600km dans les pattes !
By Coco.