Maraîchage dans les montagnes grecques (27)
Du 31 octobre au 29 novembre 2019
Arriver ici en vélo nous rempli de fierté par rapport à l’effort que ce voyage aura représenté pour nous, depuis le temps que nous disions aller en Grèce en vélo, nous goutons au bonheur de ce défi de longue haleine enfin relevé. Il nous reste encore 2 jours à pédaler avant notre prochaine étape et les premiers kilomètres en terres grecques nous font traverser des montagnes désertes d’humains. Nous voyons peu voire pas de voitures sur les routes, des petits villages vides, des meutes de chiens qui nous coursent et des pentes à couper le souffle.
Des petites fermes et de l’entraide
Après 2 jours de vélo, nous arrivons chez Sotiris où nous allons nous arrêter pour un mois. Il fait partie d’un groupe de 3 petites fermes de montagne qui coopèrent ensemble. La plus importante est celle de Panayotis et ses parents qui font du maraîchage bio, il y a ensuite celle de Sotiris, réinstallé depuis 1 an en maraîchage également et la dernière, celle de Trifounas, qui produit miel et blueberries mais travaille aussi le bois une partie de l’année.
Nous logeons chez Sotiris, qui habite dans un petit village perché à 1100m d’altitude et nous accueille dans une maison bien remplie. Il aime avoir du monde chez lui et nous serons entre 4 et 7 woofers pendant notre mois ici. Nous répartissons nos bras entre la ferme de Panayotis située plus bas dans la vallée et les serres de Sotiris. En 4 semaines, nous avons ramassé des noix (beaucoup !), trié des patates, planté des salades, ramassé des haricots, décortiqué des noix au coin du feu (beaucoup !) et surtout partagé du bon temps avec le beau monde rencontré ici.
Ecossage de haricots Des noix par dizaines de kilos Décorticage de noix Des serres avec lit de culture à hauteur
La situation économique de ces agriculteurs n’est pas des plus simples. Panayotis, pionnier du maraîchage bio dans le secteur, approvisionne de petits magasins bio, des paniers livrés à domicile et 1 marché par semaine. Il va jusque dans les grandes villes ce qui lui permet de vendre plus cher mais induit un temps de commercialisation très long (parfois jusqu’à 6 heures de route aller-retour !) .
Sotiris, après avoir cultivé quelques années de petites parcelles autour du village, avait tout stoppé pour finalement relancer depuis le printemps 2019, une activité agricole avec la construction de 5 serres. Il profite du circuit de commercialisation de Panayotis. Pour l’instant les tâtonnements sont nombreux et les équilibres financiers difficiles à trouver. Mais ils ont une forte volonté de ramener de la vie et de l’activité dans ces villages où presque plus personne n’habite. Il n’y a plus de commerces, plus d’écoles et les villes concentrent toutes les activités économiques. Il reste seulement quelques tavernes, des retraités, quelques éleveurs. En revanche, il parait que l’été les villages se remplissent de citadins de retour dans les maisons de famille.
Un petit village de montagne
Nous découvrons la vie automnale de Demati, où il y a 5 habitants à l’année et un peu plus de monde le week-end et les jours de chasse au sanglier. À cette saison, la terrasse de la taverne se transforme tous les week-ends en salle de découpe, où les sangliers sont étripés et débités en morceaux avant d’être disposés en petits tas pour chaque chasseur ayant participé à la battue. Un partie de la viande se retrouve servie dans les “mezzées”, petites collations qui accompagnent les bières et verres de Tsipouro (eau de vie de raisin).
Le paysage est magnifique, nous sommes sur le versant d’une petite montagne qui fait face à une imposante chaîne de sommets dominés par le sommet du Tsoukarela, à près de 2300m d’altitude et qui nous fait de l’œil quand il n’est pas dans les nuages.
Par une journée de beau temps, nous partons en vélo au levé du soleil avec François, camarade cyclo-wwoofo-voyageur. Après avoir descendu au fond de la vallée puis remonté en face, nous laissons nos montures au départ d’un sentier. Nous continuons à pied et parcourons les 1200m de dénivelé pour arriver jusqu’au sommet. Nous arrivons en haut pour un petit pique-nique qui se termine rapidement à cause des nuages qui arrivent, nous redescendons en enfourchons les vélos pour un belle descente puis remontée avant de rentrer juste au crépuscule ! Défi réussi avec 2300m de dénivelé cumulé en vélo et randonnée 🙂
Vue depuis Demati Presque au sommet En haut du Tsoukarela
Un petit tour des tavernes
Quelques jours plus tard la météo refroidit encore un peu et il n’y a plus grand chose à faire dans les champs. Sotiris nous emmène 3 jours dans son village familial qui est à 2 heures de route pour seulement … 30 km à vol d’oiseau. La route est encore plus longue car nous nous arrêtons en chemin dans une première taverne, puis dans une seconde. Il pleut des trombes d’eau et nous sommes contents de nous retrouver au chaud à côté d’un poêle à bois. Nous avons à chaque fois un peu l’impression d’arriver dans le salon des locaux, qui ont de la bière au frais, du Tsipouro et des mezzées qui mijotent. Les gérants sont à chaque fois heureux de voir cette joyeuse équipée débarquer (nous sommes 6 !) et ils nous font la causette.
Nous arrivons tard à destination et il fait nuit. Le lendemain, nous découvrons un paysage montagnard au milieu de grandes forêts de sapin blanc, nous n’aurions pas imaginé trouver ça en Grèce ! À cette saison, les bois sont remplis de champignons d’une multitude d’espèces, nous ramassons de quoi cuisiner un peu avant de tomber sur une nouvelle taverne…
Le soir nous allons dans un village un peu plus loin chez un ami de Sotiris qui est luthier et fabrique des instruments traditionnels comme le “Bouzouki”, un genre de guitare. Certains modèles comme le “Baglama” sont très petits, avec une tradition qui date d’une époque où les musiques traditionnelles avait été interdites par la dictature et les instruments devaient être assez discrets pour se cacher sous le manteau.
L’épopée se termine encore 24h plus tard après de la musique traditionnelle grecque, de nouvelles recherches de champignons, encore un peu de Tsipouro et une nouvelle taverne !
Dans le même genre d’escapade, la semaine suivante nous allons passer une journée dans un village voisin où un trentenaire ami de Sotiris a repris la gestion de la taverne du village depuis 5 ans. Il nous explique que pour pallier le manque de services publics dans ces montagnes, il fait office de bureau de poste, de relais pour la distribution de médicaments et de taverne ouverte 6 jours sur 7. Après un bon repas cuisiné par ses soins, il nous emmène faire un tour pour nous raconter le village. Il nous parle du poids de la religion orthodoxe dans l’organisation sociale et familiale des grecs ou bien de ce village où il aimerait voir d’autres jeunes venir habiter.
On repart en vélo !
Durant ces quatre semaines ici, nous avons eu le temps de rencontrer des grecs de la région et notamment Panayota et Yourgos chez qui nous avons souvent mangé le midi après nos cueillettes de noix. Avec eux, les échanges étaient comiques, mélange de gestes, de mimes sonores et de quelques mots de grecs. Mais nous avons aussi rencontré pas mal de français, qui sont restés une partie du mois avec nous. Nous avons passé de super moments avec Mathilda(ki), Marianna et François nos cousins cyclo-voyageurs et Cassandre. L’hiver est maintenant arrivé, les montagnes ont blanchi et nous sommes attendus dans une dizaine de jours à l’extrême est de la Grèce, sur l’île de Lesvos !
By Coco.